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Lumière sur les trous noirs
Le chemin de la lumière paraît obscur
Lao Tseu (vers 600 av. J.C.)
La
relativité générale nous décrit la gravitation comme une courbure de
l'espace-temps par la matière. Cela a d'ailleurs été vérifié par des
observations lors d'éclipses solaires : la lumière des étoiles occultées par
le soleil était courbée en passant à côté de la masse du soleil. Selon la
gravitation d'Einstein, une planète qui tourne autour d'une étoile ne fait
rien d'autre que rouler sur le bord de la courbure créée par l'étoile !
Etonnant, mais irréfutable....Voilà une chose qui a révolutionné la physique
au XX ème siècle et qui fait maintenant partie de nos certitudes
scientifiques de base.
Il est certes très difficile de se représenter la déformation d'un espace
à 3 dimensions, mais on peut en avoir une idée assez juste en le projetant
sur une surface à 2 dimensions, une très mince feuille de caoutchouc par
exemple.
Une boule en bois va déformer la surface de la feuille souple en la creusant
un peu (figure de gauche). Une boule en fer va la déformer beaucoup plus,
creusant une sorte de cratère plus ou moins profond (figure de droite).
Que va-t-il se passer avec une boule en plomb ? On peut supposer qu'elle va
creuser un puits très profond, voire sans fond, ou alors qu'elle va crever
la fine membrane de caoutchouc....Notre boule de plomb, à l'échelle cosmique,
c'est ce qu'on appelle un trou noir.
Selon
la théorie officielle, un trou noir résulte de l'effondrement gravitationnel
d'une étoile en fin de vie, après qu'elle aurait épuisé toutes ses réserves
de carburant. Son rayon diminue en même temps que sa densité augmente
jusqu'au seuil critique où même la lumière ne pourra plus s'en échapper.
L'étoile s'est effondrée sur elle-même et a disparu de l'univers visible.
Les atomes, et peut-être les particules élémentaires elles-mêmes vont être
broyées en une sorte de magma sans forme ni structure. Le temps cesse alors
de s'écouler. Le trou noir creuse dans l'espace-temps un puits qui se
rétrécit jusqu'à devenir infiniment petit sous l'effet d'une matière de
densité infinie. Le trou noir engloutit à jamais tout objet qui dépasserait
son horizon. C'est une entité monstrueuse que je ne souhaite à personne de
rencontrer ! Le fond d'un trou noir, selon les équations est un point
mathématique de densité et de température infinies. Cela n'a évidemment
aucun sens et montre seulement que la relativité générale ne fonctionne plus
à ce niveau. C'est ce que les spécialistes appellent une "singularité". Et
le fait est que tout cela est assez ... singulier !
Fort
heureusement la théorie de la relativité permet également d'envisager
l'existence d'"anti-trous noirs" qu'on a poétiquement baptisés "fontaines
blanches". De quoi s'agit-il ? C'est tout simplement l'inverse et le
symétrique des trous noirs. Les fontaines blanches ont la même forme de
puits hyperboliques mais au lieu d'absorber la matière, elles recrachent
dans l'espace-temps une l'énergie de température infinie.
On a supposé que les trous noirs et les fontaines blanches pouvaient
communiquer par des raccourcis de l'espace-temps nommés "trous de vers",
appellation moins poétique ! Certains optimistes ont même avancé l'idée que
cela nous permettrait de voyager à travers l'espace-temps. Malheureusement,
un vaisseau spatial, même très solide, qui s'aventurerait à l'horizon d'un
trou noir serait vite broyé avec ses imprudents passagers, par la
gravitation infinie qui règne dans ce genre d'endroit !
On a déjà la quasi-certitude qu'il y a beaucoup de trous noirs dans
l'univers. On en connaît trois types : les stellaires, les intermédiaires et
les supermassifs. Il y en aurait même un au centre de notre galaxie ! Quant
aux fontaines blanches, elles restent encore dans le domaine spéculatif,
bien qu'elles ressemblent terriblement aux mystérieux quasars [1]....
Il est cependant assez tentant d'imaginer que trous noirs et fontaines
blanches se rejoignent au point de leur "singularité". C'est comme si
l'espace-temps se retournait sur lui-même...La matière engloutie par le trou
noir ressortirait ailleurs dans l'univers sous forme d'énergie : une
prodigieuse "réaction nucléaire"[2] transformant la matière en énergie ! Ce
qui disparaît dans les trous noirs ne disparaît donc pas définitivement de
l'univers observable, mais réapparaît ailleurs sous une autre forme.... La
boucle est bouclée : paradoxalement, ce sont donc les trous noirs qui nous
apportent la lumière !
[1] quasars (quasi stellar objects) : objets
mystérieux situés aux confins de l'univers observable, de la taille d'une
grosse étoile et rayonnant au moins 100 fois autant d'énergie qu'une grande
galaxie !
[2] "réaction nucléaire" n'est qu'une image, vu que la matière d'un
trou noir n'a plus d'atomes, donc plus de noyaux, plus de particules
élémentaires. L'état actuel de nos connaissances ne permet pas de dire ce
qui se passe dans des conditions aussi critiques. Pas question non plus de
reproduire cela en laboratoire...On peut juste imaginer que c'est une
réaction infiniment plus puissante que toutes les bombes H réunies !
Singularités, trou de ver et voyage spatio-temporel
1°) Espace-temps de
Minkowski
Il y a de profondes relations entre les
concepts de la relativité restreinte et ceux de la théorie
électromagnétique de Maxwell-Lorentz.
Historiquement l’une a
d’ailleurs été à l’origine de l’autre. On définit un champ
électrique comme la donnée de l’intensité de ce champ en tout point
de l’espace. Pourquoi ?
Donnons-nous une petite boule chargée
au bout d’un ressort en un point de l’espace. Si le ressort s’étire
(ou se compresse) on dira qu’une force électrique était présente.
Par extension si l’on pouvait imaginer une série d’appareils du même
genre partout dans l’espace, on aurait une infinité de valeurs de
forces pouvant s’exercer sur des charges test au bout de
ressorts.
Si les forces changent dans le temps on pourra donc
décrire la dynamique de l’ensemble de celles-ci par la dynamique
d’un champ de forces, le champ étant cette distribution de force en
tout point de l’espace.
La théorie électromagnétique
est donc, par certains côtés, la théorie mécanique déguisée d’un
ensemble infini et continu de points élémentaires chargés
représentant l’état du champ électromagnétique en tout point de
l’espace.
Ce qu’Einstein a vu est que cette mécanique
déguisée, liée à la possibilité de propagation d’une onde lumineuse,
était en contradiction avec la mécanique usuelle de
Newton.
Afin de résoudre cette contradiction il fut amené
à remettre en question les concepts de temps et d’espace de la
physique classique. Pour cela on doit considérer une infinité
d’observateurs en chaque point de l’espace et possédant, au lieu de
l’appareil décrit précédemment, une règle et une horloge et
effectuant des mesures de temps et d’espace pour chaque événement
physique.
L’ensemble de ces événements, comme une explosion
ou l’arrivée d’un train en gare, auxquels on coordonne des valeurs
de temps et d’espace est justement ce qu’on appelle
l’espace-temps.
De cette manière, et en modifiant la validité
universelle de l’écoulement du temps et des valeurs spatiales
attribuées aux événements, on peut résoudre les contradictions entre
la mécanique de Newton et l’électromagnétisme de Maxwell. C’était
par exemple le cas avec l’invariance de la vitesse de la lumière
pour tous les observateurs mise en évidence par l’expérience de
Michelson-Morley.
Cette invariance est à la source des
fameuses transformations de Lorentz, lesquelles découlent
directement de l’exigence suivante : une sphère de lumière doit en
rester une en passant d’un référentiel en mouvement rectiligne
uniforme à un autre.
La théorie ainsi obtenue conduisit
Minkowski à introduire une géométrie nouvelle pour les événements du
monde, la géométrie de l’espace-temps. Tous les effets de la
relativité restreinte d’Einstein peuvent être vus comme dérivant de
cette géométrie.
En effet ces transformations forment ce
qu’on appelle un groupe et l’on sait depuis Félix Klein qu’à un
groupe de transformations données doit correspondre une géométrie
donnée. Selon le fameux programme d’Erlangen de Klein on peut donc
étudier en profondeur une géométrie si l’on connaît son groupe
fondamental de transformations et inversement si l’on connaît des
équations invariantes selon un groupe donné on peut traduire
géométriquement de façon déterminée le contenu de celles-ci.
La théorie générale liant groupes et géométries vers la fin
du 19 ième siècle est ce qu’on appelle la théorie des invariants. Il
était donc naturel pour Minkowski d’utiliser systématiquement son
espace pour discuter des conséquences des découvertes d’Einstein sur
l’ensemble des lois régissant les phénomènes dans l’espace et le
temps. On ne surprendra pas le lecteur un peu initié en faisant
remarquer que la théorie des invariants utilise de façon centrale la
notion de tenseurs, dont les vecteurs sont des cas particuliers.
Bien qu’introduit par Minkowski lui-même, on en parlera peu
ici.
Il est cependant important de bien voir, déjà, qu’on
peut faire intervenir des quadrivecteurs dans cette géométrie
quadridimensionnelle qui sont la généralisation naturelle des
trivecteurs de l’espace.
Hermann Minkowski - Félix Klein
Un moyen très puissant de faire de la
relativité est ainsi d’introduire le concept de diagramme d’espace
temps.
Liés à cela sont les trois concepts fondamentaux
suivants :
- 1°) La métrique.
Celle-ci définit
la valeur du carré de la norme du quadrivecteur entre deux points de
l’espace-temps. On parle d’intervalle entre deux événements en
chacun de ces points et il s’exprime dans un référentiel donné par
:
En
utilisant la ‘matrice’ ci-dessous, correspondant justement à la
métrique de l’espace-temps,
on peut réécrire l’intervalle précédent sous la forme
:
Depuis Einstein, on adopte la convention suivante pour de
telles expressions. La présence d’indices répétés en haut et en bas
indique en fait une sommation sur l’indice avec toutes les
valeurs,0,1,2,3 pour t,x,y,z.
On parle aussi de tenseur
métrique pour
En changeant de référentiel, pour passer dans celui en
translation rectiligne uniforme à la vitesse v par rapport au
second, on donne de nouvelles valeurs aux coordonnées des événements
précédents.Toutefois l’intervalle déterminé par la métrique ne
change pas, c’est précisément un invariant sous les transformations
de Lorentz.
Il s’exprime sous la forme :
où
avec
sont les expressions de ces fameuses transformations (on a
posé c=1).
- 2°) Le cône de lumière
Si l’on
veut représenter un flash de lumière émis en un point de
l’espace-temps, et correspondant à une sphère de lumière en
expansion, il est commode de supprimer une dimension d’espace. On
peut alors le représenter par un cône comme dans le diagramme
d’espace-temps ci-dessous.
Au fur et à mesure que le
temps passe, la sphère de lumière grandit et cela correspondra bien
à l’augmentation de la taille d’une section de ce cône.
Comme
dit précédemment, on peut introduire un calcul avec des vecteurs
généralisant celui dans l’espace de la physique pré-relativiste. On
parlera alors de quadrivecteurs, le plus simple exemple étant bien
sûr celui reliant deux événements dans l’espace-temps et donc deux
points dans l’espace de Minkowski.
Si l’on prend le carré de
la norme d’un tel vecteur, on retombe sur l’intervalle
d’espace-temps. Prenons comme origine la position de
l’observateur du schéma ci-dessus. Selon que l’autre point est à
l’intérieur ou non du cône de lumière, on aura les distinctions
suivantes :
à l’intérieur l’intervalle est négatif, il est dit de genre
temps et correspond à la possibilité pour l’observateur d’influencer
d’une façon ou d’une autre ce qui se passera dans le futur en ce
point.
sur le cône de lumière, l’intervalle est dit nul et correspond à
la possibilité d’influencer le futur pour l’observateur en envoyant
un signal à la vitesse de la lumière vers le point considéré.
hors du cône de lumière, l’intervalle est alors positif et est
dit du genre espace. Il ne peut y avoir aucune relation de cause à
effet entre l’observateur et le point considéré car cela
impliquerait de dépasser la vitesse de la lumière lors de l’envoi
d’un signal.
De manière générale, tous les quadrivecteurs ont
un carré de norme possédant une valeur tombant dans les trois
classes décrites précédemment. Ils seront respectivement dit de
genre temps, nul (ou lumière), espace.
Enfin les deux cônes
définissent respectivement les régions passées et futures pouvant
être en relations causales avec l’observateur.
-
3°) La structure causale.
C’est un concept de la plus
haute importance pour toute la suite du dossier, on peut même dire
qu’il précède la notion de métrique lorsque l’on veut construire la
géométrie des événements spatio-temporels. On introduit pour cela
un véritable champ de cônes de lumière en chaque point de
l’espace-temps de Minkowski.
Au passage, on rappelle
qu’en physique un champ est l’association d’une quantité
mathématique, comme un nombre ou un vecteur, en chaque point de
l’espace. Des exemples bien connus sont la température, la pression
ou la vitesse du vent. Dans le cas présent la métrique permet de
construire en chaque point de l’espace-temps un cône.
CERN yellow report 91-06 Ruth M.
Williams
On peut ensuite introduire les
horloges, les règles et des ensembles de courbes dans
l’espace-temps, c’est-à-dire les trajectoires spatio-temporelles des
objets dans celui-ci. On parle de congruences pour un tel
ensemble de courbes lorsque celles-ci sont plus ou moins parallèles,
retenez bien ce terme.
Extrait de de JP Luminet -Black Holes: A General
Introduction
La lumière étant une horloge
(pulsation) et une règle naturelle (longueur d’onde) dont les
propriétés sont faciles à mesurer précisément, des trajectoires de
rayons lumineux seront très importantes pour exhiber les
particularités de l’espace-temps. Elles joueront un rôle similaire
aux lignes de courant en hydrodynamique pour interpréter les
phénomènes de la mécanique des fluides.
On parlera de
congruence de courbes aussi bien pour les lignes de courant que pour
des trajectoires de photons dans l’espace-temps. La structure
des événements dans l’espace–temps, ainsi que sa dynamique - car
comme nous l’apprend la Relativité Générale, celui-ci est courbe et
susceptible de changement - est traduite par la donnée de ces règles
/horloges et d’un véritable champ de cône en chaque point de
l’espace-temps.
Quand l’espace-temps est plat et statique,
les cônes sont tous ‘rigidement’ fixés. Ce ne sera plus le cas
lorsque l’espace-temps sera courbe et dépendant du temps (cf. les
schémas ci-dessus)
En résumé la théorie de l’espace-temps
de Minkowski repose sur :
la notion d’événement.
des règles et des horloges.
des cônes de lumières.
l’intervalle d’espace-temps défini par une métrique.
des lignes d’univers avec des congruences de courbes.
La
conséquence la plus spectaculaire de cette géométrie de
l’espace-temps est la dilatation du temps illustrée par le paradoxe
des jumeaux de Langevin.
C’est l’exemple bien connu de deux
jumeaux dont l’un reste sur Terre alors que l’autre effectue un
voyage aller-retour à une vitesse proche de la lumière entre la
Terre et un point distant de 20 années lumière par
exemple.
A son retour, presque 40 années se seront
écoulées sur Terre alors que lui pourra n’avoir vieilli que de
quelques jours seulement.
Ceci n’est pas de la science
fiction ! Des horloges atomiques ultra précises ont été utilisées
lors de voyages en avion ou en fusée autour du globe et on a
invariablement vérifié non seulement ce phénomène mais aussi les
prédictions exactes des équations de la relativité d’Einstein. Sans
parler de la désintégration des muons dans les rayons cosmiques ou en
accélérateurs qui vivent d’autant plus longtemps pour un observateur
fixe sur Terre qu’ils se déplacent rapidement par rapport à lui.
Encore une fois l’accord avec les prédictions des équations de la
relativité est remarquable.
Cette dilatation du temps est
capitale pour qui veut comprendre comment un trou de ver peut être
utilisé pour voyager dans le temps comme il a été proposé à la
fin des années 80 par Kip Thorne.
2°) La Relativité générale
d’EinsteinToujours comme annoncé, je vais faire
quelques rappels sur la théorie de la relativité générale. Je
conseille toutefois vivement au lecteur de se référer constamment au
dossier suivant de Futura-Sciences pour des explications plus
détaillées, voir même de le lire comme préambule indispensable avant
de continuer pour qui n’a jamais rien lu sur la Relativité Générale
(en abrégé RG). Einstein
fut assez vite confronté au problème de la réconciliation entre
la théorie de la gravitation de Newton et sa propre théorie de la
relativité restreinte. Laplace avait montré que
l’influence de la gravitation devait se propager au moins plusieurs
millions de fois plus vite que la lumière pour correspondre aux
orbites des planètes observées dans le système solaire. En outre,
la théorie d’Einstein traite de la description des mouvements dans
des référentiels sans accélérations. Miraculeusement ces deux
problèmes sont liés et peuvent être surmontés par la remarque
incroyablement simple suivante, les masses inertes et
gravitationnelles des corps sont identiques. Qu’est-ce que cela
signifie ? La masse inerte est le cœfficient qui intervient
dans la loi de Newton liant l’accélération d’un corps à la force
qu’il subit, celle dite gravitationnelle est liée à l’estimation de
l’intensité de la force qu’un corps subit dans un champ de
gravitation. Cela est d’autant plus troublant que dans le cas
d’une force électrique ou magnétique c’est la charge qui apparaît,
on soupçonne donc un lien entre lois de la mécanique et loi du champ
de gravitation.Une application frappante de cette
égalité c’est aujourd’hui les expériences dans des avions
momentanément en chute libre. A l’intérieur tous les corps chutant à
la même vitesse par rapport à la Terre, ils se mettent à flotter les
uns par rapport aux autres. Localement on peut donc trouver
un référentiel dans lequel les effets du champ de gravitation
s’annulent ! Inversement on peut trouver un référentiel
accéléré tel qu’un observateur puisse se croire immobile mais soumis
à un champ de gravitation. Le pas fondamental suivant pour atteindre
les fondements de la relativité générale consiste à regarder ce qui
se passe lorsqu’on essaye d’appliquer la relativité restreinte à des
corps accélérés. Généralement on considère le cas d’un disque en
rotation uniforme. Chaque point le long d’un rayon est
soumis à une vitesse v de plus en plus importante lorsqu’on
s’éloigne du centre du disque. Une horloge en chacun de ceux-ci aura
donc un décalage de plus en plus prononcé au fur et à mesure qu’on
s’éloigne de ce centre. En outre la mesure de la circonférence du
disque indique en raison de la contraction des longueurs que
celle-ci n’apparaît pas comme vérifiant la relation C=2
R. La géométrie spatiale n’est donc plus euclidienne pour
certains observateurs et ceci en relation avec le fait qu’on est en
présence de mouvements accélérés. Or, on l’a vu, une
accélération dans un référentiel est interprétable localement comme
la présence d’un champ de gravitation. On vient donc de mettre
en évidence un lien entre gravitation et géométrie de l’espace.
Einstein en conclut que les phénomènes gravitationnels devaient être
en toute généralité liés à une géométrie non euclidienne de
l’espace-temps et pas seulement de l’espace, sans quoi on aurait une
contradiction avec le concept même d’espace-temps en régime sans
gravitation. C’est tout naturellement qu’il fut conduit à
utiliser la théorie générale des espaces courbes à N dimensions
introduite au 19 ième siècle par Riemann.
Riemann, Christoffel, Ricci-Curbastro sont les
mathématiciens ayant développé les outils de géométrie non
euclidienne nécessaires à la formulation de la relativité
générale.
Dans ceux-ci la géométrie n’est
plus euclidienne, la somme des angles d’un triangle ne fait plus
180° et la circonférence d’un cercle n’est plus égale à 2R. C’est ce qu’on peut facilement constater avec des figures
géométriques sur les surfaces ci-dessous :
CERN yellow report 91-06 Ruth M. Williams
La métrique précédente apparaissant dans
l’intervalle sous forme infinitésimale
se trouvera généralisée en
et sera décrite par un tenseur
qui bien évidemment se réduit au précédent lorsque l’espace est
plat.
Son introduction remonte aux investigations de Gauss au
début du 19 ième siècle sur la géométrie des surfaces courbes, une
évidente conséquence de ses travaux sur la
géodésie.
Remarquons aussi qu’il existe le concept
d’action et de réaction en physique Newtonienne. Les forces
centrifuges sont liées à des référentiels accélérés et par le
principe d’équivalence interprétable comme des forces
gravitationnelles, à quoi pourrait donc correspondre la réaction de
la matière à une accélération par changement de référentiel ?
Dans le contexte précédent une réponse émerge naturellement,
c’est l’espace-temps lui-même qui doit se déformer !
On
retrouve d’une autre façon une liaison entre un espace-temps à
géométrie variable et le champ de gravitation.
Comme une
distribution de matière est liée à une distribution d’énergie, qu’en
outre la matière génère un champ de gravitation, on en déduit qu’il
doit exister des équations généralisant celles de la gravitation
Newtonienne et connectant distributions de matière/énergie et
géométrie de l’espace-temps.
L’exploit principal
d’Einstein fut d’obtenir ces équations, elles s’écrivent
:
Le membre de gauche contient la géométrie de l’espace-temps,
on y trouve le tenseur métrique
ainsi que ses dérivées spatiales et temporelles. Il s’agit du fameux
tenseur d’Einstein construit à l’aide du tenseur de courbure de
Riemann Christoffel
qui une fois contracté (par sommation selon Einstein de deux
indices, cf. précédemment) donne le tenseur de Ricci à deux
indices.
Le membre de droite contient, par exemple, l’énergie et
la quantité de mouvement attribuées à une distribution de matière ou
de champ électromagnétique. Cela est contenu dans le tenseur T à
deux indices que l’on appelle le tenseur d’impulsion-énergie. La
métrique de l’espace-temps devient donc bien un objet dynamique
déterminé par la distribution et le mouvement de la
matière/énergie.
Tournons-nous maintenant vers un autre
concept important en relativité générale.
La généralisation
d’une ligne droite en espace-temps courbe est ce qu’on appelle une
géodésique. Ainsi sur la surface de la Terre, si l’on part de
l’équateur pour atteindre le pôle en suivant la longitude coupant le
point de départ ce sera précisément une telle courbe.
De manière
générale c’est la courbe de longueur minimale entre deux points sur
une surface. Selon Galilée et Newton un corps en l’absence de
force est au repos ou se déplace selon une trajectoire rectiligne
uniforme, une droite.
La généralisation en espace-temps
courbe est donc bien une géodésique et si en physique Newtonienne
une force se décrit par un écart à une trajectoire rectiligne
uniforme alors, dans ce cadre, la gravitation selon Einstein
n’est plus une force au sens de Newton car les corps ne font que
suivre des trajectoires ‘droites’ dans l’espace-temps sous l’action
de la gravitation.
C’est ce qui est illustré par les
schémas ci-dessous pour le mouvement des planètes autour du soleil.
CERN yellow report 91-06 Ruth M.
Williams
On s’attend bien sûr à une
modification de la théorie du mouvement des planètes.
Comme
l’a fait Schwarzschild il est possible de trouver une solution
généralisant celle de la théorie du potentiel Newtonien pour un
astre.
Karl Schwarzschild
A
l’extérieur d’une étoile parfaitement sphérique, de
masse M et sans rotation (on parle de cas statique), la géométrie de
l’espace-temps est décrite par :
Il existe aussi une solution interne que l’on écrira
simplement sous la forme ci-dessous :
Si l’on considère une sphère de rayon r à l’intérieur de
l’astre, elle contiendra une masse m(r). Ce qui explique son
apparition dans l’intervalle d’espace-temps précédent.
Ces
solutions étaient en fait des mines d’or dont les richesses
mettraient des dizaines d’années à se révéler. Le premier signal
allait venir d’Einstein en 1935.
Diagramme de plongement 2d de la solution de
Schwarzschild
Entre-temps, on avait
remarqué deux problèmes. Lorsque la masse d’une étoile décrite par
les solutions précédentes passait sous le rayon Rs=
(ou 2GM lorsque l’on pose c=1 dans le système d’unités
habituellement utilisé) dit rayon de Schwarzschild que se
passerait-il ? Déjà la première solution dans le vide semble devenir
pathologique lorsque r=Rs car l’on obtient l’infini pour le second
terme de la métrique.
De même, en r=0 et toujours dans le
premier cas, on trouve que la courbure de l’espace-temps devient
infinie. C’est là qu’on se met à parler de singularité pour la
géométrie de l’espace-temps en ce point où les équations d’Einstein
et la structure de l’espace-temps s’effondrent.
3°) Le Pont d’Einstein-Rosen et les trous de
vers de Wheeler-Misner
A - Le pont
d’Einstein-Rosen.
Dans sa quête de l’unification des
forces et de la matière avec la géométrie de l’espace-temps Einstein
proposa, avec son collaborateur Nathan Rosen, une légère extension
de la solution de Schwarzschild à la suite d’une analyse plus
poussée de celle-ci. Le caractère atomique de la matière pouvait
alors être interprété comme l’existence d’un pont entre deux
feuillets d’espace-temps. Cela réalisait le vieux rêve d’Einstein
d’une théorie non dualiste de la matière où les particules seraient
des solutions des équations du champ de gravitation convenablement
comprises et généralisées, pas des hypothèses indépendantes et
surajoutées à ces dernières.
On pourra voir ci dessous
l’introduction de ce célèbre article.
C’est
vraiment de là que date le début des spéculations sérieuses sur des
raccourcis possibles dans l’espace-temps ou des passages entre des
univers parallèles.
Pont d’Einstein-Rosen - Nathan
Rosen
Regardons à nouveaux la solution de
Schwarzschild liée au pont d’Einstein-Rosen. Lorsque r devient
inférieur à 2GM, on voit que que les signes devant les deux premiers
termes s’inversent, r prends la place du temps qui devient espace
!
La géométrie est en réalité dynamique pour un observateur
interne se dirigeant vers r=0.
La taille de la gorge du pont
se met à diminuer et le voyageur aventureux se fait écraser
complètement en ce point r=0 où se trouve la
singularité.
La coordonnée v est reliée à l’écoulement du temps
dans la géométrie de Schwarzschild mais décrit selon le système de
coordonnées de Kruskal.
Réduite à deux
dimensions la géométrie de l’espace temps se représente par le
diagramme de plongement ci-dessus. Le passage subit un
étranglement au fur et a mesure que le temps passe pour
l’observateur précédent.
On ne peut donc pas voyager par
un trou noir car l’on se fait écraser
par la singularité avant de pouvoir traverser le pont découvert par
Einstein et Rosen
Comme on l’a dit plus haut, la solution
de Schwarzschild semblait pathologique pour les contemporains
d’Einstein car lorsque r était égal à 2GM les coefficients de la
métrique s’annulaient ou devenaient infinis. Longtemps on a cru que
cela signifiait qu’on ne pouvait pas considérer une étoile dont la masse était située
sous ce rayon limite noté Rs. Eddington et Lemaître avaient bien
noté qu’il s’agissait juste d’un mauvais choix de coordonnées et
absolument pas d’un problème avec la structure géométrique de la
solution mais leurs remarques étaient passées
inaperçues.
On peut le voir en construisant des quantités
que l’on appelle des invariants à partir du tenseur de
courbure.
Comme son nom l’indique un invariant peut être
calculé dans un système de coordonnées mais sa valeur en est
indépendante. Dans le cas de Schwarzschild si l’on considère
l’invariant ci-dessous :
obtenu
à partir du fameux tenseur de courbure de
Riemann.
On voit que les problèmes
n’arrivent que quand r est nul, ce qui est justement, on l’a dit,
l’existence d’une singularité au centre de la solution. Ce n’est que
plus tard, à partir de systèmes de coordonnées introduits par
Finkelstein et Kruskal à la fin des années 50 qu’on a pu décrire
correctement ce qui se passait, à savoir rien, lors du
franchissement de la surface déterminée par Rs.
Cette surface
est pourtant loin d’être anodine et l’on finira par lui donner le
nom d’horizon des événements car rien de ce qui pénètre à
l’intérieur de la région déterminée par celle-ci ne peut plus en
sortir ni influer sur l’extérieur en envoyant un signal. L’existence
d’un horizon pour un objet compact est en fait la définition même de
ce qui sera baptisé plus tard un trou noir.
B - Les trous
de vers de Wheeler-Misner.
Vers la même époque John
Wheeler, co-auteur de la première théorie de la fission avec Niels
Bohr et directeur de thèse de Feynman, utilisa tout de même le
concept de pont d’Einstein Rosen pour décrire comme eux les
particules chargées et leurs masses. C’est d’ailleurs à lui
qu’on doit la dénomination trou de ver (wormhole) et structure en
écume (foam like structure), sans oublier bien sûr le mot trou noir
(black hole) !
Collègue d’Einstein à Princeton, il n’est pas
étonnant qu’il se soit alors laissé influencer par son idée de
réduire toute la physique des forces et des particules à des
structures géométriques.
A cause de son travail sur
l’hydrodynamique des explosions nucléaires et en raison du parallèle
entre la structure non linéaire des équations de la mécanique des
fluides et de la relativité générale, il prit l’habitude de comparer
la dynamique de la géométrie de l’espace-temps à celle des
fluides.
Ainsi la formation de trous de vers ou même de trous
noirs dans l’espace temps est l’analogue de la formation d’écume, de
bulles lorsque se brisent les vagues.
On lui doit en ce sens
des articles séminaux dans lesquels il introduisit le concept de
géométrodynamique, aussi bien en référence à l’hydrodynamique qu’à
l’électrodynamique (classique et quantique).
John Archibald Wheeler. De même que la mer semble
lisse à grande altitude, même si une tempête l’agite, de même
l’espace-temps à l’échelle microscopique est-il secoué de violentes
fluctuations
Peut-être vous êtes vous
demandé pourquoi dans la série télévisée ‘Stargate SG1’ l’ouverture
de la porte des étoiles s’accompagne t-elle toujours de quelque
chose ressemblant à une surface d’eau légèrement agitée, vous avez
maintenant la réponse. !
On
peut montrer que les particules ainsi conçues sont aussi porteuses
de masse. C’est ce que Wheeler a exprimé en parlant de « charge
without charge, mass without mass ». Toute séduisante que soit
cette image elle n’a jamais permis de retrouver les valeurs exactes
de la masse des électrons (par ex) ni de leur charge car on trouve
plutôt des particules liées à l’échelle de Planck et donc sans
connexions évidentes avec les observations.
En généralisant
cela avec l’image ‘foam like’ de l’espace-temps à petite échelle de
Wheeler, on obtient l’image topologiquement tourmentée suivante.
Regardons
d’un peu plus près cette histoire de structure en écume de
l’espace-temps.
On peut considérer la déviation
de la métrique de l’espace-temps par rapport à la métrique plate
dans un volume très petit de celui-ci. La mécanique quantique nous
apprend que pour chaque composante possible de longueur d’onde
d’un champ dans un volume d’espace-temps
il existe un demi quantum d’énergie associé aux fluctuations
d’énergie du vide et fonction de cette longueur d’onde. On peut
en effet, en espace-temps plat au moins, décomposer la majeure
partie des champs physiques en superposition d’oscillations et de
vibrations élémentaires de longueurs d’onde données. Chaque
oscillation est définie comme un mode, pensez à une corde
vibrante.
Le champ gravitationnel ne doit pas faire exception
à la règle, d’autant plus que l’on peut écrire une équation linaire
décrivant les fluctuations de ce champ par rapport à un espace-temps
plat très similaire à celles décrivant les autres champs dans la
même situation.
La densité d’énergie pour un mode de longueur
est .
Ce qui pour un volume d’espace
donne une fluctuation d’énergie
Ainsi la fluctuation de métrique associée à ce mode est :
Si l’on essaie de mesurer une longueur on aura ainsi une
erreur inévitable
Une limite à la notion classique de longueur pour l’espace
temps émerge alors car c’est uniquement pour
telle que
qu’une image lisse et stable de la géométrie de l’espace-temps peut
être maintenue. On voit apparaître une longueur caractéristique (si
l’on pose G=c=1 avec des unités convenables)
Cette valeur est appelée la longueur de Planck
-Wheeler
A cette échelle l’espace-temps devient
‘turbulent’ et doit être décrit par une théorie quantique de la
gravitation. C’est précisément ce qui doit se produire aussi au
voisinage des singularités classiques que l’on trouve à l’intérieur
des trous noirs et à l’origine de l’Univers.
Une
conséquence de cette ‘turbulence’ est l’apparition de l’analogue de
la cavitation (formation de bulles) en hydrodynamique, naturellement
il s’agit de l’apparition/disparition de mini trous de vers,
lesquels peuvent alors s’interpréter comme des paires de particules
/anti-particules apparaissant et disparaissant sans
cesse.
Considérons maintenant une autre étape vers la théorie
moderne des voyages dans le temps et l’espace.
4°) L’Univers de Gödel et la solution de
KerrA - L’Univers de GödelLa
généralisation dans le cadre de la RG de la solution newtonienne
décrivant le champ de gravitation d’une étoile ne décrit avec celle de
Schwarzschild qu’un corps dénué de rotation. Ce n’est pas très
réaliste du point de vue de l’astronomie car les étoiles, tout comme
les planètes , sont animées d’un
mouvement de rotation.Une des premières solutions
décrivant le champ généré par un corps en rotation fut celle de Van
Stockum, (Stockum, W. J. van (1937). The gravitational field of a
distribution of particles rotating around an axis of symmetry..
Proc. Roy. Soc. Edinburgh A 57: 135). L’histoire de son auteur vaut
un roman à elle toute seule. C’est aussi le premier exemple
où l’on voit une connexion entre le voyage dans le temps et
l’existence d’une rotation associée à l’espace-temps. Probablement
inspiré par cette découverte, par de nombreuses discussions avec
Albert Einstein (dont il était le collègue et l’ami à Princeton) sur
l’espace, le temps et leurs relations avec la physique et la
philosophie le grand logicien Kurt Gödel stupéfia le monde en 1949
en exhibant une solution des équations d’Einstein décrivant un
Univers en rotation. Ce qu’elle avait d’étrange était qu’il existait
à l’intérieur de celle-ci des trajectoires permettant à un voyageur
de remonter dans son propre passé !
Kurt Gödel et Einstein à Princeton
Comment cela est-il possible
?
Il existe dans cette solution un axe de rotation
privilégié dans l’Univers, au fur et à mesure que l’on s’éloigne de
cet axe la structure causale de l’espace temps se modifie. Il
existe toujours une vitesse limite mais si l’on introduit un champ
de cônes de lumière on s’aperçoit que ceux-ci basculent de plus en
plus au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l’axe de telle sorte
que la direction du futur pour un observateur à l’intérieur de son
cône de lumière coïncide maintenant avec une trajectoire remontant
dans le passé !
Un tel basculement des cônes de lumière
est justement caractéristique du passage de la relativité restreinte
à la relativité générale, comme on l’a vu la métrique est alors
dynamique.
C’est un phénomène de la plus haute importance, on
le verra plus loin pour les trous noirs ou la
cosmologie.
CERN yellow report 91-06 Ruth M.
Williams
De cette façon, il existe dans la
solution de Gödel un ensemble de trajectoires dites de genre temps
closes qui, parcourues par un observateur à l’aide d’une fusée, lui
permettraient de remonter dans le temps. Dans cette solution de
Gödel il est important de noter que seuls des voyages dans le passé
sont admis, à part bien sûr les voyages dans le futur habituels
style jumeaux de Langevin.
CERN yellow report 91-06 Ruth M. Williams
Une remarque intéressante, cette solution
cosmologique décrit un Univers sans singularité
initiale.
L’existence de boucles causales fermées du genre
temps se trouve en fait étroitement liée à l’absence de singularités
en générale dans les solutions des équations d’Einstein. Autant
prévenir tout de suite le lecteur, les données issues de
l’observation du fond de rayonnement cosmologique n’indiquent aucun
signe de rotation globale de l’Univers.
B - La solution de
Kerr :
Dans le cadre d’une meilleure compréhension des
solutions décrivant des objets astrophysiques réalistes, le début
des années 60 est marqué par une double révolution théorique.
L’introduction par Kruskal d’un système de coordonnées
permettant de décrire complètement et de façon plus précise la
structure géométrique et topologique de la solution de Schwarzschild
et la découverte de la solution de Kerr.
Diagramme de
Kruskal :
En utilisant le système de coordonnées
introduit par Eddington et retrouvé par Finkelstein, Martin Kruskal
fut capable de résoudre complètement les problèmes liés à la
description de la structure de l’espace-temps lorsqu’on s’aventure
sous la surface délimitée par le rayon de Schwarzschild. Encore
une fois, c’est la considération de trajectoires de rayons lumineux
qui fut la clé pour surmonter la difficulté. On pouvait
désormais représenter la géométrie passée et future de
l’espace-temps de cette solution par les diagrammes
ci-dessous.
Extrait de JP Luminet - Black Holes: A General
Introduction
Les deux cônes définissent le
futur et le passé de l’horizon des événements du trou noir, les
droites avec tirets et points définissent des coupes à temps
constant de l’espace-temps et les courbes verticales ressemblant à
des paraboles correspondent à des sphères de rayon constant dans le
temps entourant le trou noir. Comme les équations d’Einstein sont
symétriques dans le temps le cône du haut correspond à un trou noir
dans lequel tout ne peut que rentrer sans jamais sortir alors que le
cône du bas correspond, par renversement du temps, à une solution
dite de trou blanc ou encore de fontaine blanche. Ici tout sort sans
jamais pouvoir entrer. La région à gauche est en relation
directe avec un autre feuillet d’Univers dans un cas de type pont
d’Einstein Rosen ou trou de ver de Misner. Les régions en noir sont
celles ‘étalées’ par le système de coordonnées où la singularité
finale se trouve, l’espace-temps s’y anéantit !
Le nouveau
système de coordonnées allait se trouver précieux pour l’étude de la
solution décrivant un
astre en rotation trouvée par la
mathématicien Néo zélandais Roy Kerr. Son étude intensive fut
l’œuvre de Brandon Carter et de Subrahmanian Chandrasekhar. En fait
cette solution ne décrit exactement que ce qu’on appellera plus tard
un trou noir et personne n’a réussi à démontrer qu’il s’agissait de
la solution exacte décrivant la géométrie extérieure d’une étoile
simple en rotation.
La métrique décrivant un trou noir en
rotation trouvée par Kerr peut s’écrire de la façon suivante :
où Selon les valeurs respectives de ‘M’et ‘a’, on peut obtenir des
boucles du genre temps violant les exigences de la causalité dans le
cadre de cette géométrie de l’espace-temps. On ne sera pas
surpris que ‘a’ soit directement lié au moment cinétique ‘J’ du trou
noir en rotation.
Le trou noir de Kerr possède, en plus
d’un horizon des événements, une ergo région de forme
ellipsoïdale. Tout corps en chute radiale traversant cette
région, dite de ‘frame dragging’ (en français ‘entraînement des
référentiels’), se verra irrésistiblement entraîné par la rotation
de l’espace-temps induit par le trou noir. Il possédera donc une
composante tangentielle de vitesse et l’on se retrouvera dans une
situation parente (mais pas identique) à celle de l’Univers de
Gödel.
Combinés à la découverte récente des quasars (interprétables
à l’époque comme des étoiles super géantes nécessairement décrites
par la Relativité Générale), à la détection en 1965 du rayonnement
fossile prédit par les modèles cosmologiques de type Big Bang et
enfin celle des pulsars en 1967 (confirmant l’existence d’étoiles
à neutrons), ces nouveaux outils théoriques allaient entraîner une
brutale accélération du développement de l’astrophysique
relativiste et à une renaissance des recherches en Relativité
Générale, éclipsée largement à partir des années 30 par les succès
de la physique quantique.
5°) Les singularités en relativité générale
et le cylindre de Tipler
A - Singularités et
relativité générale.
Penrose et Hawking
L’existence
d'une singularité au cœur de la solution de Schwarzschild ne permet
pas, on l’a vu, de traverser le pont d’Einstein Rosen associé sans
se faire complètement écraser. Une question vient alors
naturellement, la solution est quand même très particulière,
symétrie sphérique, un seule paramètre la masse, ne peut-on espérer
trouver une solution plus générale décrivant un espace-temps sans
singularité et avec un passage traversable ?
Cette question
pose en fait le problème de l’apparition de singularité en
relativité générale. Question abordée au milieu des années 60 par
Hawking, Penrose, Geroch et Ellis dans le cadre de l’effondrement
des étoiles ou de son analogue, par
renversement du temps, dans celui des solutions cosmologiques
décrivant des univers en expansion.
En général c’est un
problème très compliqué. Si l’on prend le cas d’une étoile elle
n’est pas parfaitement homogène ni sphérique, elle tourne, elle
possède un champ magnétique et des phénomènes hautement non
linéaires se produisent dans la phase finale de l’effondrement de
celle-ci, turbulences, ondes de choc, réactions nucléaires complexes
entre les hadrons etc.…
Ils réussirent pourtant, au moyen de
méthodes puissantes de la topologie différentielle et de certaines
hypothèses physiques simples, à prouver que l’apparition de
singularité était inévitable.
Penrose, Carter et Hawking
s’appuyèrent ainsi sur les diagrammes d’espace-temps en traduisant
la physique du collapse gravitationnel, les propriétés des trous
noirs et l’apparition de
singularité, dans des propriétés de topologie et de géométrie
différentielles associées au comportement de congruences de
trajectoires de particules de matière, ou mieux de photons, en
espace-temps courbe.
On est naturellement conduit à des
théorèmes ressemblant à ceux portant sur les lignes de courant en
hydrodynamique ou mieux encore, en optique géométrique.
La
formation de singularité est alors similaire à l’existence d’un
point de convergence des rayons lumineux pour les systèmes optiques.
Si l’on considère que l’horizon est un peu comme le bord d’une
lentille convergente alors tout ce qui le traverse doit se trouver
focaliser en un seul point, le foyer, qui correspond ici à la
singularité centrale.
De la même façon que l’on parle du
taux de dilatation/convergence/rotation des lignes de courant dans
un fluide, on aura l’équivalent pour les familles de trajectoires de
photons.
Démontrer l’existence d’une singularité sera
ainsi lié à l’existence d’un taux de contraction sans limites d’un
faisceau de ces trajectoires au fur et à mesure qu’il se déplace
sous l’horizon et tel que toutes les trajectoires se ‘focalisent’ et
se terminent en un seul et même point, la
singularité.
C’est ce qu’on peut voir sur le schéma
ci-dessous :
Extrait de de JP Luminet -Black Holes: A
General Introduction
Un élément clé des
théorèmes est celui de surfaces piégées (‘trapped surfaces’). Tout
faisceau lumineux issu de celles-ci verra alors son aire décroître
(cf. les détails en appendice)
Extrait de de JP Luminet -Black Holes: A General
Introduction
Sur ces trois diagrammes
correspondant à la formation d’un trou noir par effondrement d’une
étoile, ainsi qu’à la structure d’un trou noir de Kerr en rotation, on
voit bien le basculement des cônes de lumière. Remarquez aussi la
projection du sommet de la section de cône futur d’un événement
donné ainsi que celle de cet événement sous forme de
point.
Le caractère inévitable de l’effondrement peut
ainsi clairement se voir à partir du comportement du champ des cônes
de lumière car ceux –ci s’inclinent au fur et à mesure que l’on se
rapproche de l’horizon, sont tangents à celui-ci puis basculent
complètement de façon à ce que toutes les trajectoires convergent
vers une singularité centrale où l’espace-temps s’anéantit. Rien
ne peut donc sortir d’un trou noir et tout ce qui y rentre doit
finir par atteindre la singularité très précisément à cause de ce
changement de la structure causale de l’espace-temps que les
modifications du champ de cônes en champ gravitationnel fort
expriment.
Il
faut bien voir, en outre, qu’il arrive un moment où l’ajout d’une
pression pour s’opposer à l’effondrement correspond à augmenter
tellement la densité d’énergie qu’au lieu de s’opposer à celui-ci,
celle-ci le favorise, et c’est l’espace-temps lui-même qui
s’effondre.
On ne peut dès lors plus faire intervenir une
éventuelle force de répulsion issue de la dégénérescence quantique
de composés supposés, mais inconnus, des particules dites
actuellement ‘élémentaires’.
On rappelle en effet que les
naines blanches tirent leur stabilité de la pression de
dégénérescence des électrons, ce qui donne une taille de l’ordre
de celle la Terre pour une étoile de la masse du Soleil. Alors que
pour des étoiles à neutrons, beaucoup plus petites car d’un
diamètre de l’ordre de quelques dizaines de km seulement, c’est la
pression de dégénérescence (et surtout l'interaction nucléaire
forte qui est répulsive à courtes distances) des neutrons qui
entre en jeu.
Pour finir, on retiendra
que les théorèmes de singularité reposent sur les deux grandes
classes d’hypothèses suivantes :
Conditions sur l’espace-temps : surface de Cauchy, pas de
boucles temporelles, limites sur la rotation de l’Univers ou des
corps.
Contraintes sur l’énergie : conditions fortes, faibles et
dominantes sur la positivité de l’énergie. Ce sont ces dernières
conditions que Thorne sera conduit à violer pour obtenir des
wormholes, elles portent essentiellement sur le tenseur
impulsion-énergie, source du champ de gravitation.
De manière
similaire, l’apparition de singularités en cosmologie s’étudiera et
s’établira à partir du comportement de basculement des cônes de
lumière et de ‘focalisation’ des trajectoires des rayons lumineux au
fur et à mesure que l’on remonte dans le temps. C’est ce que
l’on voit sur le diagramme suivant :
CERN yellow report 91-06 Ruth M.
Williams
Une série de théorèmes importants et
très généraux, pour ce qui est de la cosmologie, sont ainsi obtenus
en 1970 conjointement par Hawking et Penrose. Ce dernier avait donné
un premier théorème pour l’effondrement des étoiles en
1965.
En résumé, il n’existerait donc pas de passage à
travers l’espace-temps ouvrant à l’humanité la route des étoiles ou
la possibilité de voyager dans le temps.
Bye bye 2001
l’odyssée de l’espace ou les aventures de Valérian et Laureline
!
B
- Le cylindre de Tipler.
La décennie 70 s’achevait alors
par le triomphe de la théorie des trous noirs et l’impossibilité
d’utiliser ceux-ci comme machines spatio-temporelles.
Et
pourtant, quelques signes avant coureurs surgirent simultanément
:
|
Sur
ce diagramme on voit bien, à nouveau, le basculement des cônes au
fur et à mesure qu’on se rapproche du cylindre et l’apparition de
trajectoires possibles vers le passé.
Plus
tard il fut démontré qu’un cylindre de quelques milliers de km de
long et possédant la masse et la densité de quelques étoiles à
neutrons serait suffisant.
Il est important de bien voir
qu’une telle machine ne permet pas de remonter dans le passé plus
tôt que la date de sa propre création, ou d’aller plus loin dans le
futur que sa date de destruction ou d’arrêt.
Cylindre de Tipler - La machine de ‘Contact’ de
Sagan
Dans le film’ Contact’, c’est une
idée similaire qui est reprise pour créer un trou de ver puisque
l’on voit d’imposants cerceaux en rotation ouvrant un passage vers
l’étoile Véga.
Jodie Foster dans ‘Contact’
6°) Le rayonnement de
Hawking
Hawking dans Star Trek rencontrant Einstein et
Newton à la suite d’une perturbation
spatio-temporelle
Parallèlement à Tipler,
Stephen Hawking s’était lancé dans l’analyse du comportement d’un
champ quantique en espace-temps courbe au voisinage d’un Trou noir Le trou cosmique ultime formé lorsqu\'une étoile supergéante très massive explose en supernova à la fin de sa vie. L\'explosion crée un point superdense dans l\'espace dont rien ne peut échapper à l\'attraction gravitationnelle. Pour créer un trou noir, une étoile doit avoir une masse d\'au moins 60...');"
onmouseout=killlink()>trou noir. Alors que tout
semblait indiquer que rien ne pouvait en sortir il découvrit à sa
grande stupéfaction que ce n’était pas le cas et qu’on pouvait
associer un rayonnement à tout trou noir. Comment cela est-il
possible ?
C’est encore un tour de magie quantique. Le vide,
comme on le verra plus loin, ne l’est pas vraiment et est
continuellement agité par des paires de particules/antiparticules
émergeant fugacement avant de s’annihiler par recombinaison. On
parle de processus et de particules virtuels. Or si l’on considère
deux tels photons (qui sont leurs propres antiparticules) au
voisinage de l’horizon d’un trou noir, les forces de marée sont suffisantes pour que
l’un tombe dans le trou en traversant l’horizon. Le travail
fourni par les forces de marée pour séparer les particules ayant
alors fourni assez d’énergie pour que les particules deviennent
réelles et que l’une s’échappe vers l’infini, comme on peut le voir
sur les diagrammes ci-dessous.
On peut calculer la probabilité pour que cela se
produise. Plus un trou noir est petit plus ses forces de marée sont
grandes et plus la probabilité de séparer des particules l’est
aussi.
Le bilan net est une décroissance de plus en plus
rapide de la masse d’un trou noir, car l’énergie emportée par la
particule s’échappant doit bien l’être au dépend de celle stockée
par celui-ci. En fait, il faut admettre qu’il y a comme une sorte de
courant d’énergie négative qui pénètre à l’intérieur du trou noir.
C’est loin d’être trivial, car depuis ses débuts la mécanique
quantique semble exiger le bannissement des énergies négatives comme
solutions physiques possibles de ses équations.
Ce
phénomène d’évaporation est fascinant et il faudrait lui consacrer
un dossier entier pour lui rendre justice, ce que malheureusement
nous ne ferons pas ici. Outre l’apparition problématique d’états
d’énergies négatives, capitale comme la suite de notre enquête sur
les trous de vers le montrera, il existe un autre phénomène digne
d’être noté.
On l’a appelé le ‘paradoxe de l’information.
Voyons ce que c’est.
Théoriquement un trou noir avale tout ce
qui traverse son horizon sans jamais le laisser ressortir. Il peut
être décrit uniquement et complètement par sa masse et son moment
cinétique (je néglige le cas chargé).Donc quoi que ce soit qui tombe
à l’intérieur, le trou noir ne retiendra que sa masse et rien
d’autre en l’absence de moment cinétique. De plus son évaporation se
produit avec un rayonnement dit thermique ou de corps noir qui est
le plus ‘désordonné’ possible.
L’information liée à
l’organisation des objets de même masse (par exemple) semble donc
être perdue à tout jamais lorsque qu’on les jette dans un trou noir
!
Ceci
est en contradiction avec les règles fondamentales de la mécanique
quantique qui pourtant sont essentielles pour arriver à ce résultat,
d’où l’emploi du mot ‘paradoxe de l’information.
David Gross (prix Nobel) - Gerard ‘t Hooft (prix
Nobel)
Hawking a fermement défendu, jusqu'à
récemment encore, que c’était bien ce qui se produisait. Par contre
‘t Hooft et Gross s’y sont toujours opposés. La question reste
ouverte en dépit de progrès récent issus de la théorie des cordes et
de Hawking lui-même indiquant qu’en fait l’information se
conserverait tout de même. Le rayonnement émit par le trou noir ne
serait pas complètement désordonné car pas totalement indépendant du
contenu interne de celui-ci.
Début de l'article de Hawking datant en fait de
1974
7°) Mécanique quantique et fluctuations du
videDans les années 80 la théorie des trous de
vers reçoit un nouveau souffle, surtout sous l’influence de
Hawking. En effet ils sont une possibilité logique pour
expliquer le célèbre paradoxe de l’information avec les
trous noirs dont Hawking lui-même a
souligné,le premier,l’importance. L’existence de trous de vers entre
l’intérieur et l’extérieur des trous noirs est un mécanisme possible
pour expliquer comment l’information pourrait être conservée et
libérée par l’évaporation de ceux-ci. Les progrès issus du programme
de la gravitation quantique Euclidienne (avec application de
l’intégrale de chemin de Richard Feynman), ceux de la cosmologie
quantique (avec l’équation de Wheeler De Witt) permettent alors à
Hawking de regarder la question d’un peu plus près.
On a vu
aussi que selon Wheeler, la charge électrique et la masse des
particules pourraient s’interpréter à partir de la topologie de
l’espace-temps. Les paires de particules/antiparticules du vide
étant alors des trous de vers de Misner apparaissant et
disparaissant du fait des fluctuations quantiques de la métrique. De
manière naturelle, toutes les constantes de masses et de charges
pourraient ainsi être liées à des effets de ces trous de vers. Comme
les questions de renormalisation des particules en théorie quantique
des champs se posent pour les masses et les charges de celles-ci on
comprend aisément tout le potentiel de la théorie des trous de vers
pour la physique des particules.
En outre John Wheeler avait
proposé, à la suite d’une estimation numérique simple, que cette
structure fluctuante des trous de vers soit responsable de
l’annulation, ou tout du moins de l’affaiblissement conséquent, de
la constante cosmologique.
C’est
facile à comprendre, si la densité de trous de vers virtuels est
assez grande, ils possèdent une énergie gravitationnelle
d’interaction qui est susceptible de régulariser l’énergie du vide
et de lui donner une valeur comparable à celle que l’on observe. Des
calculs préliminaires plus approfondis par Hawking, et surtout
Sydney Coleman, ont montré que c’était effectivement une explication
possible. Bien qu’aucune démonstration solide n’ait vraiment pu être
apportée. Les wormholes étudiés étaient autant de type Misner
qu’Einstein Rosen. Dans ce dernier cas on avait des bébés Univers
bourgeonnant à partir du nôtre et étant de la taille de Planck.
C’était la fameuse théorie des ‘baby univers’.
Sydney Coleman à Harvard - ‘Baby univers’
bourgeonnant à partir de notre espace-temps connecté momentanément
par un trou de vers avec notre univers.
L’article est référencé en annexe.
Tout était maintenant en place pour que
Kip Thorne fasse sa découverte fracassante.
De façon
incroyable tout est parti de Carl Sagan. Celui-ci cherchait à rendre
crédible son livre Contact. Son héroïne Eleanor Arroway y traversait
initialement un trou noir pour rejoindre la planète d’une ancienne race
extraterrestre ayant envoyé un message radio dans l’Univers pour
manifester sa présence.
Carl Sagan, l’auteur de ‘Cosmos’ et ‘Contact’ fut
un remarquable planétologue et vulgarisateur. On le connaît
surtout pour son engagement dans le programme SETI.
Celui-ci comportait les plans d’une
machine permettant de voyager d’une étoile à une autre en ouvrant un
passage spatio-temporel sous forme de trou noir entre
celles-ci.
Evidemment, c’est une impossibilité comme nous
l’avons vu précédemment. Sagan s’adressa donc à son ami Kip Thorne,
grand spécialiste de l’astrophysique relativiste et ancien élève de
Wheeler. Il ne tarda pas à trouver une solution, il suffisait de
violer les conditions d’énergie des théorèmes garantissant
l’apparition de singularité. Pour cela il aurait fallu trouver de
l’énergie sous forme négative mais existait-il une telle forme
d’énergie ‘exotique’ dans l’Univers ?
La réponse allait venir
de la mécanique quantique (en abrégé MQ).
A - Les
particules remontant dans le temps de Feynman.
Richard Feynman, prix Nobel
On savait déjà depuis Feynman que la
mécanique quantique pouvait avoir son mot à dire dans le problème du
voyage dans le temps. Dans ses travaux sur l’électrodynamique
quantique, et en reprenant une idée de Wheeler (encore lui),
celui-ci avait montré qu’on pouvait représenter une anti-particule,
par exemple un positron, comme un électron mais remontant le
temps.
Si l’on considérait une particule d’antimatière,
mais d’énergie négative, alors la fonction d’onde décrivant en MQ
cette particule est fonction du produit E*t. Donc si E<0 et
t<0, c’est bien la même chose qu’une particule d’énergie normale
E>0 se déplaçant normalement dans le temps.
On montre que
cela est possible si en même temps la charge électrique est changée,
d’où cette étonnante affirmation :
Les états d’énergie
négative des particules remontant dans le temps sont en fait des
états positifs allant normalement du passé vers le futur mais avec
une charge opposée.
Ce qui est bien la description d’une
antiparticule comme le positron ou l’antiproton.
La matérialisation d’une paire
particule/antiparticule suivie de son annihilation est donc ré-
interprétable comme un seul électron mais zigzaguant dans l’espace
temps à la suite d’absorptions ou d’émissions de photons. Ce que
l’on voit dans les deux diagrammes donnés.
B
- Les fluctuations quantiques du vide.
Une conséquence
importante de la théorie quantique est celle de fluctuation du vide
quantique. Qu’est-ce à dire ?
En physique classique
les particules sont indestructibles et l’énergie se conserve sans
aucune exception à la règle.
Dans le monde magique de la
théorie quantique, surtout lorsqu’on se retrouve dans la théorie des
champs, ce n’est plus le cas. Si l’on considère la quatrième
inégalité de Heisenberg on le comprend aisément. Rappelons que
rien n’est parfaitement déterminé ni fixé en MQ où règne un flou et
une agitation gouvernés par des lois probabilistes.
A
l’instar des inégalités limitant la valeur précise simultanée de la
position et de la vitesse d’une particule, on ne peut pas non plus
lui associer précisément une énergie donnée à un instant précis sans
que l’incertitude delta E sur la valeur de cette énergie et celle
delta t sur l’instant auquel s’effectue une mesure de cette énergie
soit reliées par
On peut donc violer le principe de conservation de l’énergie
d’autant plus que cette violation reste courte. Comme Einstein
nous a appris que de l’énergie pouvait se transformer en particule
de masse M donnée, il en résulte que la MQ impose au vide de
bouillonner de paires de particules/antiparticules de toutes natures
et de toutes masses (électrons, quarks, photons, mini trous noirs,
etc.) apparaissant et disparaissant sans cesse. Comme ces
processus ne durent pas et qu’ils sont inobservables directement on
parle de processus virtuels.
D’après la RG, il doit non
seulement y avoir des gravitons (les ‘photons’ du champ de
gravitation) et des mini trous noirs mais le champ de gravitation
lui-même de ces particules virtuelles qui déforment et déchirent
sans cesse l’espace–temps à l’échelle microscopique. Ce n’est en
fait qu’une version alternative/complémentaire de l’image de Wheeler
de fluctuations quantiques de la métrique, les résultat étant
sensiblement les mêmes.
Il y a quand même un petit détail
désagréable. La MQ appliquée aux champs, qu’ils soient de particules
de matière ou d’interaction, introduit une densité d’énergie du vide
quantique qui est soit infinie soit très grande. On tombe sur le
fameux problème de l’énergie résiduelle du point zéro et de la
renormalisation en théorie quantique des champs impliquant une
constante cosmologique plus importante que la valeur
observée.
(Attention,
le signe de l’inégalité est bien > et non <)
C -
L’effet Casimir :
Ces fluctuations quantiques ne sont pas
des vues de l’esprit car elles se font sentir indirectement dans les
processus d’interactions matière-rayonnement. La valeur de la masse,
de la charge et du moment magnétique des électrons en porte
témoignage ainsi que ce qu’on appelle l’effet Lamb et surtout
l’effet Casimir. En effet l’apparition/disparition continuelle de
paires de particules virtuelles chargées décrit par les diagrammes
de Feynman ci-dessous se remarque dans la modification de la valeur
de la charge et de la masse d’un électron qu’on lui attribuerait en
l’absence de ces fluctuations.
Diagrammes de Feynman - Hendrik Casimir de
fluctuations de paires quantiques
C’est
en étudiant ces effets fins en physique atomique que H.Casimir fit
sa découverte la plus célèbre.
L’électromagnétisme étant
la force la plus intense à notre échelle, c’est dans son cadre que
les effets des fluctuations quantiques du vide sont le plus
facilement notables. Si l’on introduit deux plaques conductrices
faiblement séparées, les longueurs d’onde associées aux
particules
virtuelles
agitant le vide, comme les photons dans ce cas, sont plus courtes
entre les deux plaques de métal qu’à l’extérieur. Cela modifie la
valeur de l’énergie du vide qui se comporte alors comme si l’on
avait de l’énergie négative. C’est pourquoi on mesure une force
attirant les deux plaques et les forçant à se
rapprocher.
C’est le fameux effet que Casimir avait prévu
en 1948 !
Steve Lamoreaux du Los Alamos National
Laboratory a réussi en 1997 avec ses collègues à le mesurer
précisément. C’est l’exemple le plus simple, et surtout constaté
expérimentalement, où l’on peut voir que la mécanique quantique peut
produire des effets dits ‘exotiques’ en ce qui concerne
l’énergie.
Voila donc bien la clé recherchée par Thorne
!
Une telle énergie négative existe bel et bien dans
l’Univers et devrait donc permettre de maintenir le wormhole ouvert.
Il suffirait de ‘tapisser’ celui-ci avec de l’énergie négative,
produite par un mécanisme du genre de l’effet Casimir, pour violer
les conditions sur la positivité de l’énergie impliquant
l’apparition d’une singularité.
Il
est très important de comprendre d’une part que cet effet d’énergie
négative est justement ce qui intervient aussi dans l’évaporation
des trous noirs selon le mécanisme de la radiation Hawking, d’autre
part que cette énergie négative n’est pas de l’anti-matière. La
physique des champs quantiques en espace-temps courbes, juste sur
l’horizon, se traduit par un flux d’énergie négative à l’intérieur
de celui-ci compensant précisément le départ des particules
rayonnées à l’infini par le trou noir et provoquant la décroissance
de sa masse.
Restait donc à voir ce que diraient les
équations d’Einstein couplées avec une distribution de ‘matière
exotique’ possédant une énergie négative.
8°) L’article de Morris -Thorne -Yurtsever –
1988
En
1988 Thorne, Morris, et Yurtsever révélèrent le résultat de leurs
calculs avec l’énergie négative ainsi que l’incroyable implication
de ceux-ci.
Kip Thorne
Non seulement il
était théoriquement possible d’ouvrir un passage entre deux points
de l’espace et de le traverser sans encombre pour voyager entre les
étoiles de façon quasi instantanée
mais on devait aussi pouvoir voyager dans le temps
!
Regardons cela d’un peu plus près.
La
métrique solution des équations d’Einstein qu’ils trouvèrent est la
suivante :
Elle
ressemble à celle de Schwarzschild pour l’intérieur d’une étoile et
elle doit satisfaire des conditions de décroissance à l’infini pour
se raccorder à un espace-temps plat de Minkowski.
Voilà
comment cela marche, c’est tout simple en fait.
Ayant
ouvert un trou de ver traversable, et en supposant celui-ci très
stable, on peut imaginer laisser une de ses bouches d’entrée sur
Terre alors que la seconde pourra être emportée à l’intérieur d’un
vaisseau spatial en vol relativiste effectuant un aller-retour de
disons 1000 ans pour un observateur resté sur Terre.
Si la
vitesse pendant le trajet est très proche de la lumière, il pourra
ne s’être écoulé que quelque heures ou quelques jours dans le
vaisseau. On est précisément dans le cas célèbre des jumeaux de
Langevin.
Il existera donc alors un décalage temporel
entre les deux bouches du trou permettant de remonter dans le passé
jusqu à mille ans avant le retour du vaisseau sur Terre ou dans le
futur jusqu'à 1000 ans après le départ du vaisseau pour quelqu’un
resté sur la planète.
C’est ce qu’on
voit sur le diagramme d’espace-temps ci- dessous repris des cours de
Thorne à Caltech (Methusalem restant sur Terre alors que Florence
effectue son voyage interstellaire).
Il
y a quand même un ‘petit’ problème. Matt Visser, un physicien
spécialisé dans la théorie des trous de vers a fait les estimations
suivantes.
Si l’on devait construire un trou de ver stable de
1 m de diamètre il suffirait de ‘tapisser’ la bouche du trou de ver
de seulement 10-21 m d’énergie négative, soit moins d’un millionième
de la taille d’un proton. Là où cela coince c’est qu’il faudrait
disposer de l’énergie libérée par 10 MILLIARDS d’étoiles en une
année !
A - La conjoncture de la
protection chronologique de Hawking :
En 1992 Hawking a
fait toute une série de calculs pour essayer de prouver que l’on ne
peut pas modifier le passé car aucune boucle du genre temps ne
pourrait exister autrement que pour les particules élémentaires.
Sans en donner une démonstration complète les résultats qu’il a
obtenus sont nettement défavorables.
Sa
conclusion finale est célèbre ‘La meilleure preuve que les voyages
dans le temps sont impossibles est que nous ne sommes pas envahis
par des hordes de touristes venues du futur’. On peut mettre en
relation ses raisonnements avec le phénomène suivant.
B -
Un effet Larsen ? :
Le plus grave problème que pose la
possibilité de créer un trou de ver traversable est celui lié à un
effet bien connu que l’on appelle l’effet Larsen (du nom du
physicien danois Søren Larsen (1871-1957). Nous avons tous un jour
ou l’autre été confrontés au problème d’un coup de téléphone
amplifié de façon stridente par un haut-parleur. Le téléphone
enregistre le son émis par le haut-parleur qui est alors renvoyé au
correspondant pour être enregistré à son tour et réémis à l’aide du
haut-parleur etc.…
De manière similaire, des ondes
électromagnétiques (par ex) voyageant vers le passé dans le trou de
ver pourraient à nouveau l’emprunter dans le futur et ainsi de
suite. De l’énergie positive s’accumulera donc dans le trou de
ver ce qui finira par contrebalancer l’énergie négative responsable
du caractère traversable du trou de ver.
La question
centrale est ‘Ok mais en combien de temps ?’
Les calculs
faits jusqu'à présent montrent que c’est si rapide qu’un objet
‘macroscopique’ n’aurait pas le temps de traverser la bouche du trou
avant qu’il ne se ferme. Cependant la réponse ultime est enfouie
dans les lois de la gravitation quantique non perturbative, une
théorie encore à naître.
Des voyages supra-luminiques
seraient donc peut être encore possibles dans l’espace, mais dès
qu’on essayerait de voyager dans le temps les lois de l’Univers
conspireraient pour l’empêcher. C’est aussi la conclusion à laquelle
est arrivé Igor Novikov, l’ancien collaborateur principal du grand
Zeldovitch.
C - Le principe d’auto cohérence de Novikov
:
De gauche à droite Chandrasekhar, Novikov et
Zeldovitch
Le problème du grand-père est
une objection classique au voyage dans le temps. Si vous
remontez dans le temps pour tuer votre grand-père alors vous
n’existez pas donc vous ne remontez pas dans le temps et votre
grand-père est toujours vivant donc vous allez le tuer, etc. Ne
pourrait-on pas cependant considérer des types de voyage dans le
temps possibles ?
C’est ce que Novikov et d’autres ont
voulu savoir. Les résultats que donnent les équations de la RG sont
illustrés par l’exemple suivant. On pourrait imaginer une bille
lancée vers la bouche d’un wormhole et émergeant dans son propre
passé pour se percuter et s’empêcher de rentrer dans la bouche de
celui-ci. C’est une version physiquement simple à traiter du
paradoxe du grand-père. Inversement on pourrait avoir une boule se
percutant pour se forcer à aller dans le wormhole. Tout calcul fait,
seule cette dernière solution est autorisée par la RG classique
semble- t-il.
Pour
arriver à cette conclusion, Novikov et ses collaborateurs se sont
appuyés sur des calculs relativement élémentaires mais reposant sur
un des principes les plus fondamentaux de la physique, celui de
‘moindre action’.
Reconnaissez-vous ce que lit Igor Novikov ?
9°) Le LHC en 2007/2008 : des trous noirs et des wormholes en
laboratoire ?
Toutes ces spéculations sur les
trous de vers semblent bien loin de la réalité et ceux-ci à tout
jamais hors de portée de notre technologie.
Ne perdons pas
espoir si tôt !
La fin des années 90 et le début des
années 2000 seront peut être considérés par les historiens de
l’avenir comme l’aurore d’un changement profond dans l’histoire de
l’humanité. On a vu que la possibilité de créer et de maintenir
ouvert un wormhole dépendait en grande partie d’une compréhension de
la gravitation quantique et de son accessibilité
technologique.
Or, jusque vers 1998 environ, tout semblait
indiquer qu’il fallait construire un accélérateur grand comme la Galaxie
pour monter suffisamment en énergie afin que se manifeste directement la
gravitation quantique. Cette même année, des travaux indépendants mais
complémentaires de Nima Arkani-Hamed, Savas Dimopoulos et Gia Dvali d’une
part et Lisa Randall, Raman Sundrum d’autre part, ouvrirent la possibilité
qu’on se soit trompé.
De
manière inespérée, le futur accélérateur de 27 km de diamètre en
construction près de Genève au CERN pourrait bien
suffire.
Quelques années plus tard, en 2001/2002 précisément,
Steven Giddings et Savas Dimopoulos déposèrent sur ArXive deux
articles révolutionnaires considérant sérieusement la possibilité de
créer des mini trous noirs s’évaporant par effet Hawking au LHC, le
Large Hadron Collider, que l’on a mentionné précédemment.
De tout ce qui précède les liens entre trous noirs et
wormholes doivent maintenant être clairs.
http://xxx.soton.ac.uk/abs/hep-th/0205027
http://xxx.soton.ac.uk/abs/hep-ph/0106295
http://www-library.desy.de/preparch/desy/proc/proc02-02/Proceedings/pl.7/landsberg.pdf
Des
trous noirs au LHC peut être, mais alors pourquoi pas aussi des
wormholes lors des collisions entre protons ? Reste à trouver une
signature expérimentale.
La découverte de la fission
nucléaire avait elle aussi commencée par quelque chose de très ténu
alors peut-être peut-on rêver et attendre impatiemment
2007/2008.
Voici
la disposition des expériences avec leurs détecteurs associés le
long des 27 km de circonférence du LHC. L’expérience susceptible de
mettre en évidence des mini trous noirs s’évaporant est liée au
détecteur Atlas que l’on voit sur ce schéma de l’anneau du Large
Hadron Collider.
Ce
super détecteur Atlas est peut être l’une des machines les plus
complexes de toute l’histoire de l’humanité. Verra-t-il le Higgs,
les partenaires supersymétriques des quarks et des leptons et ce qui serait fabuleux
l’évaporation de mini trous noirs ? L’Avenir le dira bientôt
!
Possible formation et évaporation d’un mini trou noir
par collision entre quarks, contenus dans les protons, lors de la
collision des faisceaux proton-proton au
CERN.
Vue d’artiste du super collisionneur dans son
tunnel et l’extension de celui-ci près du lac Léman.
Remerciements
L'auteur du
dossier remercie chaleureusement toutes les personnes ayant
participées d'un façon ou d'un autre à ce travail,elles se
reconnaîtront.Une mention spéciale pour Loïc Villain et sa lecture
attentive du dossier,cependant s'il devait rester des erreurs elles
ne sauraient être attribuées qu'à moi.
La science-fiction fait grand
usage du voyage dans le temps ainsi que du concept de trous de vers,
des raccourcis dans l’espace-temps permettant de contourner la
limitation de la vitesse des trajets interstellaires imposée par les
lois de la relativité restreinte.
S’agit-il de quelque chose
de totalement impossible, sommes-nous condamnés à ne jamais voir des
machines temporelles ou des ‘portes des étoiles’ uniquement qu’au
cinéma ?
L’objet de ce dossier est d’examiner à partir des
données les plus récentes de la physique théorique moderne ce qui
est crédible et ce qui ne l’est pas.
La théorie de la
relativité, surtout celle traitant de la gravitation c'est-à-dire la
relativité générale d’Einstein, sera notre guide tout au long de
notre voyage vers la nature de l’espace et du temps.
C’est
pourquoi les deux dossiers de Futura-Sciences sur la théorie d’Einstein (relativité
restreinte et relativité générale) sont des lectures conseillées avant de
lire ce qui va suivre, ils sont indispensables pour quiconque n’a jamais
regardé quoi que ce soit sur la relativité.
Nous
essayerons dans un premier temps de voir s’il est réaliste de
voyager dans le temps ou dans l’espace à partir d’un trou noir. Jusqu’ à récemment,
c’était souvent comme cela que la science fiction permettait à ses
personnages de s’affranchir des limites de
l’espace-temps.
Pour cela nous devrons explorer un peu la
partie de la relativité qui traite des singularités.
On verra
aussi que l’idée de voyager dans le temps à l’aide des effets
prédits par la relativité générale est ancienne, bien qu’il ait
fallu attendre le milieu des années 80 pour voir apparaître les
premières discussions vraiment sérieuses sur la façon de s’y prendre
pour voyager à l’aide de distorsions de la structure de l’espace et
du temps.
Les trous noirs
Relativité générale
Sommaire
Espace-temps de Minkowski
La Relativité générale d’Einstein
Le Pont d’Einstein-Rosen et les trous de vers de Wheeler-Misner
L’Univers de Gödel et la solution de Kerr
Les singularités en relativité générale et le cylindre de Tipler
Le rayonnement de Hawking
Mécanique quantique et fluctuations du vide
L’article de Morris -Thorne -Yurtsever – 1988
Le LHC en 2007/2008 : des trous noirs et des wormholes en laboratoire ?
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